Manifestation des
Sages-femmes à Paris

Date de publication : Dec 18, 2013 6:7:38 PM

Manifestation des Sages-femmes à Paris en 2013 chargées par les CRS

Ce lundi 16 décembre 2013 après-midi à Paris près de la place Denfert Rochereau, les sages-femmes en grève auraient été chargée par les "forces de l'ordre" lors de la manifestation à Paris ! Le problème est qu'on ne trouve presque rien là-dessus sur les journaux : http://lci.tf1.fr/economie/social/manifestation-des-sages-femmes-a-paris-on-en-a-ras-le-col-8331531.html

 D'autres ont même un tout autre point de vue et prennent parti des CRS :
http://www.citizenside.com/fr/photos/politique/2013-12-16/87969/paris-une-journee-de-manifestation-avec-les-sages-femmes.html#f=0/841265 

Alors stérilets et préservatifs à la figure, je ne sais pas, je n'y étais pas moi-même. Mais voici plus bas la lettre ouverte d'une sage-femme du Bas-Rhin. C'est à pleurer effectivement ! Bon, hormis cette photo en noir/blanc, les autres montrent plutôt un cortège de sages-femmes assez "tranquilles". Mais, de toutes façons, après deux mois de grève, les esprits commencent à s'échauffer de part et d'autre et c'est normal ! 

SVP, Mme la Ministre de la Santé, Mme Marisol TOURAINE, avant Noël, soyez sympas penser que le petit Jésus aussi à probablement eu sa sage-femme auprès de la Vierge Marie, même si personne n'en parle jamais évidemment ! Car personne ne s'intéresse jamais à la naissance, ni aux sorts des sages-femmes françaises qui sont sous-payées, surchargées de travail, mal assurées et rabaissées quotidiennement au rang de subalternes des gynécologues-obstétriciens, telles de simples infirmières. Parce qu'on leur refuse encore et toujours l'accès au secteur libéral, aux maisons de naissance, aux accouchements à domicile. Pourquoi ? Pour continuer à mieux les diriger et mieux diriger les femmes et les enfants qu'elles aident chaque jour.

Alors, Mme TOURAINE, ça fait bien longtemps que je ne suis plus allée moi-même manifester à Paris (durant mes études seulement :-), mais si vous n'agissez pas rapidement début 2014 pour revaloriser cette profession mal-aimée, je vous assure que j'irai moi aussi brandir les pancartes et jeter des préservatifs à leurs côtés !  

Voici deux exemples de lettres ouvertes qui a été publiées suite à cette manifestation, en réponse et révolte surtout ici : 

"Lettre ouverte à Monsieur Hollande, Président de la République Française.

"Monsieur le Président,

Je suis sage-femme libérale dans une petite ville de province, mais je suis aussi écrivain, et c‘est cette plume que je prends aujourd‘hui pour vous écrire la colère, le dépit, la tristesse, peut-être même la rage, que j‘ai ressentis ce lundi 16 décembre 2013, journée de manifestation des sages-femmes à Paris, après deux mois de grève. J‘ai pleuré, Monsieur Hollande, j‘ai pleuré en voyant mes collègues molestées, repoussées, et pour certaines d‘entre elles frappées violemment par les forces de l‘ordre : une clavicule et un tibia cassés, des hématomes, et des sages-femmes choquées d‘être prises pour des hooligans.

Le pouvoir français maltraite celles-là même qui prennent soin des femmes et des enfants de la patrie. Des grands mots, allez-vous me dire ? Je n‘y vois que de grands maux, ceux d‘une profession entière, qui subit depuis des années le mépris et le manque de reconnaissance, malgré son statut médical, les cinq années d‘études pour y parvenir et la responsabilité médico-légale qui en découle.

Savez vous que les sages-femmes sont en première ligne pour réanimer les nouveau-nés, prendre en charge une hémorragie de la délivrance, ou une décompensation maternelle au décours de l‘accouchement ? Cela s‘appelle «avoir des vies entre nos mains», ces mêmes mains frappées avec des matraques parce qu‘elles tenaient des barrières ce 16 décembre. Savez vous que les sages-femmes ont la responsabilité médicale du suivi de grossesse, des échographies, du suivi gynécologique de prévention et de toute la contraception des femmes ? Elles participent ainsi à l‘amélioration de la santé des femmes. Savez vous qu‘elles sont aussi présentes pour accompagner les couples dans le pire moment qui soit, quand ils perdent leur enfant ?

Notre demande ne s‘inscrit pas au delà du raisonnable, loin de là. Une visibilité équivalente aux médecins dans le suivi des femmes, un statut digne de la profession médicale que nous sommes, et la reconnaissance qui va avec. Ce n‘est vraiment pas déraisonnable.

Ce lundi, les sages-femmes criaient avec le cœur, et on les a bâillonnées avec les coups.

C‘est inexcusable. En prenant un peu de recul, c‘est même dramatique, car tous les bébés de France naissent en présence d‘une sage-femme. Même vous, Monsieur le Président, vous êtes venu au monde grâce à une sage-femme. Or une profession méprisée, invisible, non reconnue et maintenant violentée se meurt un jour, inévitablement. Et si elle ne meurt pas, elle vivote. Quelle force, quelle image donnerons-nous aux femmes de France et à leur bébé en vivotant péniblement ?

Quand j‘annonce que je suis sage-femme, neuf fois sur dix, on me répond «vous faites le plus beau métier du monde». Je n‘arrive plus à répondre «oui», Monsieur le Président, je n‘arrive plus à répondre oui, parce que non, ce n‘est pas le plus beau métier du monde. Ce n‘est plus le plus beau métier du monde.

Qu‘allez-vous faire, Monsieur Hollande, pour que je puisse à nouveau dire oui ?"

A.L Sage-femme libéral du Bas-Rhin

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Lettre d'une sage-femme en colère et en grève

Envoyée à Mme Najat Vallaud Belkacem,

Chère Ministre du Droit des Femmes,

Vous l’avez certainement constaté dans votre exercice quotidien, la femme peut être le pire ennemie de la femme. Dans l’article ci-joint (Madame Le figaro.fr de juin 2013), Mme Buisson, gynécologue de son état, explique le danger des Maisons de Naissance, dans lesquelles elle craint un « entre-soi féminin sectaire », propos qui dans la bouche d’un homme aurait suscité un tollé. Mme Buisson veut-elle défendre les (pauvres) femmes malgré elles ? Elle a écrit d’autres tribunes bien plus vindicatives sur le sujet, entre autres l’aliénation au modèle patriarcal que serait le choix de non-recours à une anesthésie péridurale pour un accouchement. Un sportif qui grimpe l’Everest, pour se dépasser, cela impressionne et on le félicite. Une femme qui choisit, en toute connaissance de cause, de se passer d’anesthésie pour accompagner son bébé dans son enfantement, est elle une femme qui n’a pas toutes les clés en mains pour faire un choix éclairé ?

Si je vous ai joints cette tribune, c’est qu’y est associé votre collègue, Mme Marisol TOURRAINE, qui explique que « la clé, la priorité absolue, est la sécurité. C’est un élément non négociable ». Qui ne serait pas d’accord avec elle, me direz-vous ? Ce qui est plus gênant, c’est que cette phrase fait référence aux lieux en-dehors de maternité pour accoucher. C’est-à-dire soit le domicile, soit une maison de naissance. Or les statistiques de nos pays voisins (Pays-Bas, Hollande, Angleterre) montrent que l’accouchement à domicile n’est pas plus dangereux qu’un accouchement en maternité. Ce qui gêne ces deux femmes, est-ce tant alors la sécurité en chiffres (qu’elles se renseignent alors !) ou la possibilité que souhaitent les femmes de s’approprier leur enfantement, choisir l’alternative qui leur paraît la plus appropriée (entre les risques d’un accouchement à domicile et les risques liés à la iatrogénicité bien présente en maternité, pas tant infectieuse qu’induite par des protocoles appliqués en systématique), et ne pas dépendre que du corps médical ? En cela, les sages-femmes souhaitent les aider. Et cela tombe bien car elles sont des professionnelles médicales tout à fait aptes à assurer ladite sécurité. Mais si on veut priver les femmes de choix (au nom de leur sécurité), est-ce pour remettre entre les mains d’autres femmes (bien que professionnelles médicales), cette même sécurité ? Comment cela se fait-il qu’en 2013, le fait qu’une sage-femme soit responsable d’une maison de naissance ait tant de mal à s’imposer dans les esprits français que les souhaits d’expérimentation sont bien prudents et restent lettre morte ?

Vous conviendrez qu’il s’agit là d’un bien piètre féminisme, alors même que Mme Buisson se qualifie volontiers comme telle.

On pourrait croire qu’il s’agit de paranoïa si notre profession de sage-femme, à 98% féminine, n’était pas tant placée sous la tutelle des gynécologues-obstétriciens. Nos responsabilités, notre autonomie, existent sur le papier, et au tribunal. Mais dans les faits, que de pratiques condescendantes, machistes ! Combien de sages-femmes n’ont-elles pas entendu « Madame, restez à votre place » , la place qu’on nous attribue alors étant bien en-deça de à quoi nous pouvons prétendre au regard de notre formation (bac +5) et de nos compétences (totales pour la périnatalité non pathologique, ce qui représente plus de 80% des situations).

Mme Buisson déplore également les difficultés d’accès aux gynécologues de ville pour le dépistage, la contraception, et le suivi de grossesse. Mais surtout, elle réussit l’exploit, pendant cette interview, de parler périnatalité et santé des femmes sans citer une seule fois les sages-femmes. Il s’agit d’ailleurs d’un des motifs de revendications de notre grève actuelle : devenir les professionnelles de premier recours en matière de suivi gynécologique de dépistage, contraception et périnatalité. Il y a actuellement un tel gâchis de compétences, quand tant de sages-femmes sont au chômage (1000 sages-femmes alors que l’accès à la profession est régie par un numerus clausus à l’issue de la première année de médecine)... et qu’en face des gynécologues hautement qualifiés (bac +12) sont overbookés par des suivis de femmes non malades, dont nous savons et avons l’habitude de faire ces consultations, quand il est difficile d’obtenir un rendez-vous avec un spécialiste pour une grossesse pathologique (pour lesquelles nous devons orienter) !

Quand vous avez la gastro-entérite, allez-vous voir un hépato-gastrologue, ou votre médecin généraliste ?

Quand vous toussez, allez-vous voir un pneumologue, un cancérologue, ou votre médecin généraliste ?

Quand vous avez mal au dents ou besoin d’un détartrage, allez-vous voir le stomatologue ou votre dentiste ?

Attribuer une place de premier recours aux sages-femmes est également un progrès pour les femmes en matière de sécurité. En effet, une revue de la Cochrane portant sur des essais analysant les suivis de 16 242 femmes enceintes, a montré la diminution des accouchements prématurés, des expulsions avant 24SA (c’est-à-dire avant la viabilité fœtale), de travail plus court, avec moins d’intervention (moins d’épisiotomies) pour au final une satisfaction plus grande. Et ce, vous l’imaginez, pour un coût réduit pour la sécurité sociale (23 euros la consultation versus 28 euros, pour un minimum de 7 consultations prénatales, 870 000 accouchements, et 80% de grossesses physiologiques, c’est-à-dire une économie de 23 615 000 euros au moins pour un suivi de qualité).

Mais combien de femmes savent qu’elles peuvent être suivies par une sage-femme tout au long de leur grossesse ? Ignorance, et préférence d’aller voir le médecin dans l’illusion d’y être mieux soignée (soignée de quoi ???).

Il est aussi intéressant pour vous de savoir que la profession de sage-femme est la profession médicale la plus féminine et la moins bien payée (en secteur libéral, même moins que nos collègues paramédicaux que sont les infirmiers). Pourtant, nos responsabilités sont très importantes : une erreur de diagnostic, un retard de prise en charge de l’urgence (pour lesquelles nous sommes en première ligne en attendant le médecin, en matière de réanimation néonatale par exemple), une prescription inadaptée (notre droit de prescription est défini par arrêté réglementaire et comporte de nombreuses classes thérapeutiques différentes), et les conséquences peuvent être gravissime : hémorragie, handicap, décès, ... Rares sont les professions aussi risquées. Mais nous encaissons, tentons à force de publications, de retrouver notre légitimité face à nos pairs. Nous souhaitons travailler avec les gynécologues-obstétriciens comme nous le faisons avec les anesthésistes, ou avec les pédiatres : en collaboration, et plus sous leur tutelle.

Notre profession est en plein burn-out. Fermeture des petites maternités sous prétexte de sécurité (à ma connaissance un accouchement en voiture n’est pas plus sûr !), équipes restantes dans les grands centres débordées. Nous n’avons pas les moyens d’exercer notre métier comme nous le souhaitons, et surtout comme les couples le méritent.

Car vous l’avez compris, défendre les sages-femmes, c’est aussi défendre la santé des femmes.

Notre ministre de tutelle fait la sourde oreille à nos demandes. A elle aussi, nous affranchir de la tutelle des gynécologues paraît insensé. Même notre statut médical, reconnu par la loi, par notre code de déontologie, par notre pratique quotidienne et les tribunaux, la heurte.

Alors que l’avenir est là, un parcours de soin de la femme enceinte centré sur la sage-femme, avec articulations avec des spécialistes en fonction des pathologies pré existantes ou alors dépistées, un groupe de travail va débuter sur le rôle de la sage-femme. Le syndicat des gynécologues-obstétriciens sera présent (le suivi de la grossesse physiologique est une pratique tellement plébiscitée, lucrative et donc attirante au regard des autres consultations de gynécologie !).

Je vous remercie de tout cœur d’avoir lu cette longue lettre et espère qu’elle vous aura touchée. Nous avons besoin de vous.

V R, sage-femme en libérale à Strasbourg,
Novembre 2013