La diversification alimentaire

Le rituel de la chaise haute

Nous sommes nombreux, parents occidentaux, à penser qu’au moment de la diversification alimentaire, un enfant doit obligatoirement être assis à table, en face ou à côté de nous, sur SA propre chaise haute. Arrêtons-nous un instant et interrogeons nous sur le « pourquoi » de ce rituel ? 

Certains diront que c’est une question de commodité, à la fois pour l’enfant et pour ses parents pour leur permettre de manger enfin tranquillement. La réalité est bien différente puisque cela demande beaucoup plus d'attention et de vigilance de la part des parents ! D'autres qu’il s’agit d’un passage quasi obligatoire dans notre société qui semble avoir comme principal objectif de séparer rapidement les parents des enfants afin de mieux pouvoir les "socialiser" et "éduquer" ou "conditionner" et "dresser" (selon notre point de vue). Pourtant, dans la plupart des cultures, la chaise haute n’existe pas, ou plus du tout ou pas encore. Alors, où peuvent bien manger ces enfants-ci ? Par terre, sur des tapis ou des coussins mais le plus souvent entre ou sur les genoux d’un membre de la famille, clan, tribu, etc. 

En fait, la plupart des bébés du monde ne sont jamais laissés seuls, ni même dans certains cas posés au sol avant un âge avancé, de peur qu’ils ne s’étouffent, tombent, se blessent ou soient piqués ou mordus par un animal. Ils restent alors physiquement en contact étroit avec le corps d'un adulte ou d'un enfant plus âgé chargé de le surveiller ou plutôt de le "guider".

Bien entendu, dans chaque pays tous les enfants sont aussi très différents et réagiront donc différemment à ce que nous appelons ici dans nos pays industriels « la diversification alimentaire », qui peut d'ailleurs intervenir beaucoup plus tôt ou plus tard aux alentours de 6-9 ou 10 mois ou plus en fonction du désir de l'enfant ; et non de celui de ces parents ou de son pédiatre normalement... La poursuite de l’allaitement maternel étant toujours recommandé par l’OMS/UNICEF "à partir de 6 mois et jusqu’à 2 ans ou plus avec introduction d'aliments solides". 

En réalité, l’introduction progressive et toujours très symbolique et codifiée de la première bouchée de ce premier "aliment solide", semi-solide ou liquide, s’accompagne presque toujours dans chaque pays du monde d’un véritable cérémonial : comme lors de la première bouchée de riz au Japon, de gruau chez les Dogon du Mali, de millet ou de couscous au Maghreb, de galette de maïs au Brésil ou encore… de carotte en France. Notre propre rituel culturel français commencera donc, lui, souvent par la carotte suivie des épinards, courgettes, avec du riz avant la pomme de terre ou le crouton de pain (blé-gluten), le fromage ou autres produits laitiers après la viande blanche d'abord et le foie de veau puis le jaune d’œuf cuit avant le blanc, etc. Mais il faut se dire que ce ne sont jamais que des habitudes alimentaires culturelles liés à des coutumes ancestrales plus qu'à de récentes découvertes scientifiques valables partout, en tout lieu et en tout temps.

Le mieux étant encore de se simplifier la vie au maximum, sans trop se poser de question et en choisissant au jour le jour et en fonction de nos réserves et restes ce qui pourrait convenir à bébé, en lui donnant d'abord du bout de notre petit doigt avant qu'il puisse y tremper les siens... Surtout que pour éviter le gaspillage de nourriture au début, bébé se contentera mieux de se que vous avez vous-même dans votre assiette plutôt que dans la sienne. 

Malheureusement parfois certaines mesures diététiques s’imposent prématurément à nos enfants devant l'augmentation des allergies alimentaires, due entre autre à la baisse de qualité de notre alimentation actuelle. Non seulement due à l’emploi de nombreux produits chimiques dans l'industrialisation de notre alimentation dès la production (insecticides, herbicides et autres pesticides), mais également lors de la méthode d’élaboration (stérilisation, pasteurisation ou UHT) ou encore de la cuisson (plat « micro-ondisé », bouilli ou grillé). 

Alors, effectivement certaines évictions alimentaires plus ou moins sévères peuvent se justifier à cause d’un terrain allergique familial ou d’un risque d’obésité infantile précoce. Étant donné les diverses manipulations faites à nos aliments, il ne reste plus grande place aux nutriments, vitamines et bonnes graisses polyinsaturées, nécessaires à notre survie comme à notre bonne santé. De ce fait, aujourd’hui, nombre de nos enfants présentent de plus en plus, et surtout de plus en plus tôt, divers troubles ou maladies graves de la peau (eczéma, psoriasis…), des voies respiratoires (bronchiolites répétitives, asthme…), du système digestif (coliques, diarrhées, constipations…), du système nerveux (manque d’attention, hyperactivité, insomnies, autisme…), voir du système hormonal par la suite (stérilités croissantes masculines ou féminines), etc. 

Certains diront qu’il n’y a pas de relations de cause à effet avérées entre allaitement et système immunitaire renforcé, alors que nos expériences empiriques de mamans allaitantes comme de nombreuses études scientifiques internationales prouvent le contraire désormais.

En tous cas, c'est bien lors de cette fameuse période cruciale de la "diversification sociale" que beaucoup de jeunes parents commencent à regarder désormais la qualité, et plus seulement la quantité, des aliments présents dans leur assiette comme dans l’assiette de leurs petits ; en privilégiant notamment les aliments naturels bio, non traités et contrôlés, et si possible locaux. Par contre, on constate que peu d'entre eux pensent encore à la méthode d’introduction de cette même alimentation. Car, repenser le rituel de la chaise haute, c’est repenser d'abord notre propre façon de nous alimenter nous-même, voir de se rappeler de la façon dont nous avons été « diversifiés » avant eux : à quel âge, de quelle façon, avec plaisir ou non ?

Chercher à conserver une certaine proximité (et non « promiscuité » comme le déplore certains pédopsychiatres), des mères avec leur jeune enfant au moment des tétées comme du repas familial se justifie non seulement par soucis de continuer à bien le nourrir en l'accompagnant dans ses découvertes et non en le surveillant à chaque bouchés ou en "contrôlant" sans cesse ce qu'il mange. Ainsi, les parents se faciliteront grandement la tâche et le passage de cette étape crucial pour leur enfant en lâchant prise et en poursuivant toujours le "maternage proximal" avec bébé sur leurs genoux. Car, prolonger le contact physique avec l'enfant, nous permet aussi de mieux accompagner ses gestes désordonnés et de répondre aussi plus rapidement et facilement à ses besoins fondamentaux qui sont toujours de : manger, boire, dormir, faire ses besoins, être bercé, téter-boire pour le plaisir, jouer, rire, être câliner… La poursuite de ce contact sécurisant évitera donc encore une rupture trop brutale entre le bébé et le corps chaud de l’adulte, remplacé par la froideur d’un objet de substitution maternelle (chaise, table, bol, cuillère…). Car, poser frontalement son enfant devant soi, une cuillère devant la bouche en disant « Aaaah ! » ou en faisant l'avion ou le clown pour le faire céder, peut en faire sourire certains et pas d’autres en fonction de leurs appétits. De même cela fonctionnera peut-être un temps avec quelques bébés et pas forcément avec tous, ni tout le temps non plus.

Enfin, vouloir introduire un aliment trop tôt et trop vite avant une tétée, risque notamment de compromettre encore avant 9 mois, l’équilibre délicat de l’allaitement maternel que mère et enfant ont enfin réussi tant bien que mal à régler parfois. C'est pourquoi lorsqu'on souhaite poursuivre l'allaitement au delà de cette période, il vaut mieux toujours donner la priorité au lait maternel AVANT tout autre nourriture liquide ou solide. En rappelant toujours que le lait maternel restera toujours la meilleure des boissons et la base de l'alimentation du petit de notre espèce durant ses premières années de vie. Car les, les légumes ou les fruits ne lui assureront pas un apport de graisses et de vitamines complexes équivalentes.

Par contre, plus tard l'enfant grandissant les choses s'inverseront d'elles mêmes naturellement et il pourra alors s’avérer ensuite fort utile, plus pratique pour les parents et également plus facile aussi pour l'enfant d'être placer sur sa propre chaise réglable avec les grands. Là encore il n’y a pas de règle définie non plus du moment idéal, c’est toujours au cas par cas ! 

Pour conclure, il vaudrait mieux se dire que nous, parents, avons entre 6 mois et 1 an pour transmettre avant tout le plaisir de manger à nos enfants sans précipitation, ni opposition, en leur laissant notamment l'occasion de goûter eux mêmes à notre propre nourriture, dans notre assiette, d'abord écrasée, broyée ou encore pré-mâchée…  

Là encore, tout ceci relève de choix culturels comme de points de vue ou pratiques personnelles ! Alors, vous vous enlèverez fortement la pression familiale et sociale, ainsi qu'à votre enfant, en vous écoutant d'abord et en suivant votre intuition en priorité. En fonction également des signaux que vous enverront votre petit et vos seins (engorgements ou pas). Vous lui donnerez surtout le temps d’apprendre à son rythme entre des bras réconfortant à AIMER manger de tout en priorité et en petites quantités au début. Au bout d’un moment, quand vous serez prêt chacun, l'enfant ira alors plus volontiers s’asseoir seul sur sa propre chaise, avec son propre verre, bol ou assiette et il en sera même très fier !                 

Comme dit le proverbe : "tout vient à point à qui sait attendre !"