L'allaitement & le travail

Allaiter et travailler en même temps : SI c'est possible !

Aujourd'hui, il est devenue tout à fait possible et admis dans la plus part des entreprises privées comme publics en France qu'une employée puisse exprimer son lait sur son lieu de travail. Cependant, même si la loi française l'autorise depuis de nombreuses années, dans les faits, et surtout dans certains secteurs, cela demande encore beaucoup d'énergie et de temps aux jeunes mères pour faire accepter leurs droits autant par leurs employeurs que par leurs collègues. 

Sans parler de la possibilité pour les mères de nourrir leurs petits directement sur leur lieu de travail, prévu aussi par la loi durant les pauses allaitement mais quasiment jamais appliquée ! 

Sortir de l'apriori que "dans mon secteur et métier ce n'est pas possible !"

Étrangement, ce ne sont pas toujours dans les corps de métiers à priori les plus "machistes" (policiers, gendarmes, militaires, pompiers, chauffeurs, etc.) que les femmes rencontrent le plus de difficultés, mais plutôt dans ceux où on s'y attendrait le moins (infirmières, puéricultrices, sages-femmes et même assistantes maternelles, enseignantes ou éducatrices). Car, c'est souvent lorsque les mères sont directement en contact avec le public ou qu'elles voyagent et se déplacent beaucoup qu'elles pourront rencontrer le plus de difficultés pour trouver le temps nécessaire pour entretenir leur lactation enfant, mais... tire-lait ! Alors que leurs collègues le trouveront, eux, facilement pour prendre leur "petite pause cigarette" et partir fumer dehors ! Parfois certaines devront même apprendre à tirer leur lait dans des lieux totalement inappropriés vois incongrus, tels que les toilettes, débarras, voitures, cabines, etc. Pourtant la loi les protègent "officiellement" là-dessus (obligation d'un lieu adapté à l'expression et à la conservation du lait maternel pour les employeur de plus de 100 salariées - article 1225-6) et que des temps de pause sont prévues pour cela (1h obligatoire pouvant être reparti en 2 fois une demi heure par jour - article R1225-5 du Code du Travail). Cependant, dans les faits, on sait que cela n'est pas toujours/souvent respecter... 

C'est donc un nouveau combat éminemment "féministe" qui est entrain de s'engager aujourd'hui de la part des jeunes femmes au niveau de leurs emplois et droits de salariés. Car, désormais, la femme moderne désire autant s'épanouir dans son rôle de mère, de femme et épouse, ou conjointe, que d'employée consciencieuse et tout aussi compétente dans son métier que ses collègues masculins. 

Après son retour de congé maternité ou parentale, son principal soucis restant pour elle de ne pas se retrouver "dégradée" ensuite au sein de son entreprise, mutée dans un poste moins intéressant pour sa carrière et relayée à des taches subalternes, voir définitivement "mise au placard". Ce qui n'est certainement pas une bonne façon pour l'entreprise de remercier ses employées féminines, ni motivées les autres à entrer ou rester, d'ailleurs ! D'autant que peu savent encore que la poursuite de l'allaitement maternel leur fait même gagner de l'argent ! Car, il est aujourd'hui statistiquement prouvé qu'une salariée qui se donne la peine de continuer à allaiter son ou ses enfant(s) après la reprise du travail aura moins de chance de devoir prendre ensuite plusieurs congés pathologiques, durant les premières années qui suivent, afin de s'occuper de son (ses) enfant(s) malade(s). Joie de l'entrée en collectivité contre joie de la maternité, avec notamment ici davantage d'anticorps dans le lait maternel... 

Allaiter : tous à y gagner ! 

Effectivement les employeurs, sociétés, familles ont donc TOUS a y gagner : autant en terme d'économie de temps (absentéismes, achats imprévus), d'énergies et pollutions diverses (moins d'eau, d'électricité, de déchets, etc.) et d'argent (laits industriels en poudre, eaux minérales, matériels de puériculture divers et surtout forts chers), mais aussi moins de soins médicaux et donc frais pour la sécurité sociale, de dépressions post-partum ou au travail (bien-être hormonales), voir de rancunes, ni conflits récurrents avec autrui ; et notamment la nouvelle "nounou ou puéricultrice" qui nourrit désormais l'enfant à la place de sa maman...

 Même si, évidemment, ceux qui bénéficieront le plus de ces tendres retrouvailles et lien lactée d'attachement seront effectivement l'enfant, sa mère et indirectement le père, lorsqu'ils se retrouveront à nouveau tous réunis les soirs, les week-ends et vacances pour des câlins et tétées à gogo ! Tant qu'ils le souhaiteront et non tant que l'entourage ou l'employeur le souhaitera, lui... Et enfin et surtout sans horaires ! Le corps s'adaptera, si on lui en laisse le temps.

Les femmes osent enfin en parler !

Voici donc plus bas, un exemple de témoignage de mère allaitant, ici, un enfant de 16 mois, mais qui a repris son activité professionnelle après 3-4 mois : âge (au delà du 3ème gros paliers de croissance) où il y a déjà moins de fuites de lait (assez dérangeant au départ pour les tâches sur tissu uni...), avec une lactation un peu moins "anarchique" (dépend encore de la mise en route !) et où il est parfois plus facile de "casser les rythmes établis" par les tétées du nourrisson. Donc, ne pas se fier ici au nombre assez faible de tétées par jour proposées par cette mère, car après plus de 12 mois, un bambin déjà diversifié peut plus aisément se contenter de 4 à 6 grosses tétées/jour. Ce qui n'est généralement pas le cas d'un nourrisson ! En fait, la plupart du temps c'est un minimum de 6 à 8-10 tétées ou plus par 24 heures dont un petit bébé humain a encore besoin ; autant pour manger que pour boire, en fonction de la chaleur, de sa succion et surtout de sa prise de poids. 

En effet, le lait maternel étant la meilleure des boissons prévues pour bébé, penser donc aussi au "p'tit coup d'eau" à boire pour la soif, en substitution d'une tétée. D'autant qu'un bébé exclusivement allaité jusqu'alors aura souvent un plus petit estomac qu'un bébé nourri au lait industriel en poudre et pourra donc avoir besoin aussi de manger et boire davantage de plus petites quantités, et plus souvent. Ensuite, après la diversification alimentaire, ce peut être très différent et la mère pourra peut-être alors progressivement tirer moins de lait en journée ou la nuit ! Mais c'est très variable, en fait, d'une bébé à l'autre... 

C'est aussi pourquoi il faut bien compter 2-3 semaines de préparation avant et 2-3 semaines de rodage après la reprise du travail pour programmer cette transition. 

Cependant, après le 1er mois de "rodage" et changement de rythmes inhérent à toute reprise d'activité, généralement la lactation s'adapte naturellement aux contraintes professionnelles et familiales des parents. La mère aura juste besoin de davantage de soutiens pratiques et psychologiques (présence du père, mamie, famille, collègues ou amies) pour l'aider à mettre en place cette reprise du travail avec allaitement. Sachant qu'elle sera ensuite bien moins fatiguée, nerveuse et irritable que si elle avait dû, en plus, gérer cela en même temps qu'un sevrage plus ou moins désiré et un retour de couche derrière ; ce qui est plus ou moins inévitable si la mère reste éloignée trop longtemps et souvent de son enfant nuit et jour, brusquement !

Mais comme il n'y a pas 2 allaitements identiques, il n'y a pas 2 reprises du travail avec poursuite de l'allaitement identique non plus. Alors, surtout informez vous et écoutez vous d'abord !

Témoignage :

"Je m'appelle Sylviane, mariée, 32 ans et l'heureuse maman d'un petit Esteban de bientôt 16 mois, toujours allaité.

  A titre professionnel, j'occupe un poste de chef de département client dans une société de VAD implantée à 60 km de mon domicile, et de ce fait, suis partie en moyenne 12 heures par jour, sans compter de réguliers déplacements de 2-3 jours en Bavière, siège de la maison mère.

 Ce qui peut à priori paraître incompatible, n'est en fait qu'une question d'organisation !

 Esteban a encore besoin de 4 "doses" de lait par jour : petit déjeuner, goûters du matin et de l'après-midi et dîner.

-         Je me lève environ une heure avant Esteban afin de tirer le lait d'un sein qu'il prendra au biberon pour le goûter de l'après-midi.
-         A son réveil, Esteban profite d'une bonne tétée avec le 2ème sein et bien sûr le reste du sein déjà tiré, puisqu'il n'est pas possible de bien le vider complètement au tire-lait.
-         A midi, je tire mon lait au travail : je m'enferme dans une petite kitchenette et chacun respecte mon ¼ d'heure de ce que nous avons appelé avec humour "traite". Un réfrigérateur sur place permet une bonne conservation du lait qu'Esteban consommera le lendemain au goûter du matin.
-         Le soir, dès que je rentre du travail, Esteban profite d'une bonne tétée câlin avant de rejoindre les bras de Morphée.

Bien entendu, les week-ends Esteban profite à 100 % de sa maman et tète à la demande.

Les week-ends permettent également de faire des provisions et de congeler du lait qui servira en cas d'absence de ma part. En déplacements, je ne pars jamais sans mon tire-lait afin de soulager les seins et maintenir une bonne lactation. Je n'ai malheureusement pas la possibilité de conserver le lait dans un endroit suffisamment frais, suffisamment longtemps, alors (malheureusement) je le jette. C'est dommage, mais permet toutefois de stimuler les seins pour ne pas avoir de baisse de régime. Et c'est pendant ces déplacements que la tétée câlin est remplacée par un biberon câlin avec papa.

Je ne vous cache pas que le tire-lait est un peu contraignant, mais j'ai l'intime conviction que le jeu en vaut largement la chandelle.

En observant mes collègues ou amies ayant des enfants de l'âge d'Esteban, je m'aperçois que celles qui ne passent pas leur temps chez les pédiatres pour cause de rhinites, bronchiolites, gastro-entérites, avec leurs enfants non-allaités, sombrent plus ou moins dans un baby-blues. J'ai peut-être tout simplement de la chance, mais quoi qu'il en soit, Esteban n'a jamais été malade et je culpabilise beaucoup moins de travailler en continuant à l'allaiter. Cela me donne le sentiment de continuer à donner de ma personne, bien que je ne sois pas avec lui physiquement.

Que dire de plus, sinon qu'au-delà de ces considérations, c'est un réel bonheur de pouvoir ainsi fusionner avec son enfant et lui offrir le meilleur de soi. Ces moments d'échanges privilégiés sont tout simplement magiques."

Liens et informations utiles : 

 Livres : pour vous guider, lire Le guide l'allaitement pour la mère qui travaille, de Claude-Suzanne DIDIERJEAN-JOUVEAU, éditions Jouvence, 2009
                  pour vous informer sur vos droits, lire plutôt : Allaitement maternel et droit, de Martine HERZOG-EVANS, éditions l'Harmattan, 2007
- Lien utile sur vos droits (COFAM) : http://coordination-allaitement.org/images/informer/reprise_du_travail_droit_et_legislation_.pdf
- Lien utile sur la poursuite de l'allaitement même en crèche : https://www.youtube.com/watch?v=prqJ6xaVET4